Mes Humeurs Ravel, et en musique

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Voici un ouvrage d’une beauté époustouflante, à lire et à en parler le plus possible. A la lecture de «Ravel» de Jean Echenoz, je fus littéralement hypnotisé par cette œuvre. Une biographie romancée sur les dernières années du célèbre musicien Maurice Ravel. Une époque riche en événements, l’entre-deux guerres, des personnages illustres et d’autres peu connus. Ravel, la cinquantaine, impressionnant, inattendu, élégant, soucieux de sa personne et de sa mise, une garde-robe riche (soixante chemises, vingt paires de chaussures, soixante-quinze cravates, vingt-cinq pyjamas), il peine à trouver le sommeil, lui, qui faisait la pluie et le beau temps aussi bien en France qu’aux Etats-Unis ou en Europe. Qui refuse la Légion d’honneur et accepte le titre de Docteur Honoris Causa de l’université d’Oxford ; son triomphe aux Etats-Unis, sa rencontre avec Gershwin, Wittgenstein ( le musicien manchot, frère du philosophe), Milhaud, Stravinsky, etc., le livre est plein d’informations sur son concerto pour la main gauche et surtout la naissance et la genèse de la musique du Boléro qui a fait sa gloire.

«Je n’ai écrit qu’un seul chef-d’œuvre, le Boléro, malheureusement, il ne contient pas de musique» (sic) ; la riche et extravagante Ida Rubinstein (pyjamas en tissus d’or, boléros… elle se promenait en compagnie de singes et une panthère apprivoisée…) a commandé à Ravel un ballet, inspiré d’Iberia d’Albeniz, cette commande est devenue le Boléro, une aventure palpitante.

Le style d’Echenoz est captivant, concis, précis, sans graisse ni fioritures, ses descriptions collent à la peau et la chair du personnage. Des images fortes à tomber, imaginez une voiture «Salmson VAL 3, bicolore et profilée comme un escarpin de souteneur» ou «un sommeil d’occasion, de seconde main, de qualité médiocre» ou encore «il n’y a rien d’autre au monde à voir, le ciel couvert contient un soleil pâle». Une fois terminé la lecture, je réfléchis à une phrase que j’ai soulignée, bordée, relue, elle me tient au corps «des fins de regards inquiets». Des yeux, oui, on s’en souvient, des couleurs d’yeux, oui, des regards aussi, mais des «fins de regards», donc, il y a un début, un milieu et une fin de regards ; je m’efforce à me remémorer des fins de regards des yeux de mon entourage ancien et actuel, je n’en vois ni débuts ni fins, je n’aperçois que des regards « simplement».

Je reviens sur mon sujet, je me concentre comme je peux, le plus longtemps possible ; je retiens avec satisfaction quelques «débuts et fins de regards» et je remercie Jean Echenoz et son Ravel pour ces trouvailles originales.

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